J’ai traversé cette période comme on vogue sur un océan de dégout. Et c’était tiède.
Quoi de pire que quelque-chose de tiède ?
Ces deux derniers mois ont été ceux de la latence : après la pellicule à la montagne, le moteur de mon appareil argentique s’est définitivement arrêté et tout ce qui en suit est jetable – tout comme les appareils photos utilisés. Je ne retiens rien, à part un vide, un dégueulis sans saveur – tiède encore.
J’ai donné de l’amour autour de moi, j’ai aussi entendu des « je t’aime », j’ai pensé à la résilience et j’ai cru en l’humanité. J’y croirai encore et toujours, mais j’ai décidé de mettre cette période sous-vide.
Les éléments qui la composent seront étudiés, étalés puis effacés.
Je veux simplement comprendre pourquoi l’univers a décidé de me faire traverser une période tiède, ça ne m’est pas arrivé depuis des années, peut-être jamais.
Je vis d’habitude sur une sinusoïde qui me propulse d’une période euphorique vers une période ingrate et lourde. J’ai l’habitude, je sais le gérer.
Je serre les dents à rude épreuve puis je vis intensément aux périodes d’allégresse.
Mais la tiédeur, c’est sans saveur, sans parfum : c’est synonyme de mépris. Le mépris de la vie.
Alors j’ai décidé d’accepter ce mépris comme j’ai appris à l’accepter dans le milieu professionnel.
J’accepte le regard froid de la vie comme j’accepte celui de mes collègues : tout est une leçon et je veux apprendre – j’ai foi en l’humain, j’ai foi en la bonté. J’accepte cette tiédeur et ce mépris comme un cadeau.
Et je sais que je vais en rire. Je vais rire car c’est fade, non douloureux et je n’en souffre pas.
C’est juste désagréable, j’attends que ça passe. Mais j’ai décidé d’en garder un souvenir brut – mais non brutal. Brutes, comme les photos d’un appareil jetable.
Jetable comme un jeu sur table : on débarrasse les cartes et on passe à autre chose.